Stéphan Corriveau : Au cœur de la transformation du secteur

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Stéphan Corriveau est un homme convaincu et convaincant. Fort d’une expérience de plus de 30 ans dans l’habitation communautaire, le directeur général du Centre de transformation du logement communautaire (CTLC) est un des architectes de la mobilisation du secteur autour du nouvel outil financier Plancher qui se met en place.

Face à un système et à des programmes dont la mathématique ne marche plus, il souhaite donner au secteur les moyens d’assumer le leadership nécessaire à son développement et à la préservation du parc immobilier coopératif et sans but lucratif.


La situation actuelle

Pour Stéphan Corriveau, le constat est sans appel. Le système qui a permis de développer l’habitation communautaire au Québec depuis plus de 25 ans [AccèsLogis] ne marche plus. « Les coûts maximums admissibles devraient être tellement hauts… La mathématique ne tient plus. Alors là, il y a un appel à faire d'autres choses », dit-il.

L’équité dans la balance

La mise en valeur de l’équité des coopératives est une des clés du nouvel outil financier que promeut le CTLC. « On sait que 99,9 % des coops et des OSBL laissent dormir la valeur de leur immeuble. Quand on fait nos calculs, on s'aperçoit que, si on met en commun tout le parc de logements communautaires, on arrive à une valeur consolidée de l'ordre de 5 milliards de dollars. C'est beaucoup !

Avec cette richesse répartie en presque 3 000 propriétés distinctes, il y a moyen de faire quelque chose qui non seulement ne diminue pas la capacité d'action des coops et des OSBL, mais leur permet à la fois de s'en servir pour eux-mêmes de manière plus dynamique qu’aujourd'hui et de soutenir la croissance de l'offre pour des logements communautaires. »

À celles et ceux qui doutent de l’équité réelle d’un parc immobilier qui a besoin de beaucoup d’amour, Stéphan Corriveau répond avec un slogan bien connu. « On est plus riche qu'on le croit », lance-t-il, sans nier les besoins de travaux majeurs dans certains immeubles et les défis financiers que rencontrent certaines organisations qui ne se sont pas donné la marge de manœuvre nécessaire [loyers trop bas] pour maintenir leur immeuble en bon état.

Un outil de développement et de consolidation

« L'idée de Plancher, c'est de recueillir des fonds pour permettre du développement, mais c'est aussi, et c'est tout aussi important, de préserver le stock existant, parce que ça ne sert à rien d'essayer de remplir une baignoire si le bouchon est enlevé.

Le modèle qu'on a développé permet non seulement de mettre à la disposition d'un ensemble plus vaste les ressources qui dorment dans nos immeubles respectifs, mais du point de vue d’une coopérative qui agit comme garante, ça donne un revenu supplémentaire, de la même manière que lorsqu’une banque prête de l'argent. »

Le rôle des gouvernements dans Plancher

« Ils [les gouvernements] jouent un rôle dans Plancher. Nous voulons qu'ils jouent le rôle le plus actif possible, y compris en fournissant des subventions, des garanties de prêts et en facilitant des prêts à faible taux, par exemple. »

L’abordabilité : une responsabilité de l’État

« L’outil Plancher a pour vocation d’accélérer le développement et la rénovation du parc immobilier, mais il ne peut en rien se substituer au rôle de l’État et aux programmes de logements sociaux permettant de redistribuer la richesse », précise Stéphan Corriveau.

« Comme organisations propriétaires d'immeubles, on peut faire du développement immobilier, mais on est incapable d'assurer l'abordabilité par nous-mêmes. Plancher va nous permettre d'avoir plus d'immeubles, mais pour que les logements demeurent à un prix raisonnable, ça va toujours rester la responsabilité de l'État, qu’on parle de suppléments au loyer, de subventions en capital qui permettent de réduire le coût de réalisation ou de toute autre formule. »

Le processus d’adhésion à Plancher

« Il faut éviter que la coopérative qui envisage l'adhésion se retrouve dans un processus fastidieux qui implique 94 réunions et 300 rendez-vous chez le notaire. Il faut tracer un chemin simple incluant trois formulaires à remplir et la résolution du conseil d’administration », explique Stéphan Corriveau qui précise le travail de diligence que les têtes de réseaux, dont la FHCQ, seront appelées à faire.

Dans un premier temps, c’est à la mobilisation des membres que les réseaux sont appelés à participer. « On va demander à la Fédération et à d'autres groupes d'aller voir leurs membres, de leur exposer le projet et de leur demander à eux aussi de s'engager de manière conditionnelle. »

Un financement simplifié et avantageux

Plancher promet un financement qui s’arrime à la réalité des coopératives et OSBL et non à celles des normes bancaires. « Comme c'est un système communautaire, on va faire le maximum possible pour éviter les intermédiaires et les prises de profit abusives », assure Stéphan Corriveau.

Pour offrir un financement au taux d’intérêt de 4 %, Plancher mise notamment sur l’appui des gouvernements par l’intermédiaire de leurs programmes d’obligations d’épargne. « Les gouvernements émettent des obligations, ils attirent de l'argent. Personne ne peut émettre des obligations à un taux plus bas que les gouvernements au Canada. Si eux empruntent, entre guillemets, en notre nom à 1½ % ou 2 %, ça va nous coûter pas mal moins cher que si nous devons nous-mêmes emprunter l'argent dans le système privé. »

Une vision inspirée du modèle de Vienne

À lire : Vienne la Rouge : un antidote à la crise du logement », CITÉCOOP no 15, automne 2021

« Peu de gens le savent, mais 60 % du parc résidentiel à Vienne, toutes formules confondues, c’est du logement social et communautaire ». « J'ai une exclusivité à partager : il n’y a pas 60 % de pauvres à Vienne. Tous ces logements sont à propriété collective, que ce soit à travers l'État ou à travers des coopératives ou des OSBL, mais ce ne sont pas tous des logements subventionnés destinés aux gens à revenu faible et très faible. »

Cette conception du droit au logement mise en application dans la capitale autrichienne n’est pas sans rappeler au directeur du CTLC l’approche qui guidait le secteur du milieu des années 60 au début des années 90.

L’ampleur de la crise du logement qui perdure et s’étend maintenant aux classes moyennes milite en faveur d’actions fortes tant des organisations du secteur que des gouvernements de qui relève la responsabilité d’assurer l’abordabilité du logement pour tous et toutes.


Le Centre de transformation du logement communautaire

Le Centre de transformation du logement communautaire (CTLC) a été fondé en 2018 par un réseau d’organismes du logement communautaire au pays. Sa mission, liée à la Stratégie nationale sur le logement, vise à assurer la transformation, la durabilité et la croissance du logement communautaire.

Pour atteindre cet objectif, le Centre travaille en partenariat avec les organisations du logement communautaire, dont la FHCQ, afin de faciliter la transformation du secteur à tous les niveaux. Il œuvre pour accroitre la capacité organisationnelle des coopératives et OSBL là où des lacunes et des besoins sont présents. Il offre également du soutien technique et financier.


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Tiré de l'article publié dans le magazine CITÉCOOP - Volume 10, numéro 19 | Printemps 2023