Si elle existe, la panacée permettant de susciter une participation exemplaire et enthousiaste de tous les membres d’une coopérative d’habitation reste à découvrir. Pour autant, la plupart des coopératives ne baissent pas les bras et tentent de mettre en place des politiques visant à stimuler l’engagement de leurs membres. Portrait de quatre approches mises de l’avant par des coopératives du territoire.
- Sous-traiter l’entretien ménager - Coop Grand Atlas
- Maintenir la pression - Coop Intergénérationnelle Lavalloise - Immeuble Meunier
- En faire plus pour payer moins - Coop Le Prolétaire
- Tout le monde à table - Coop Nos Rêves
Sous-traiter l’entretien ménager
Coop Grand Atlas
La Coopérative Grand Atlas (23 logements) dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville a été confrontée à des problèmes de participation. Son président, Mohamed Monadel, explique que le système mis en place pour l’entretien des aires communes ne fonctionnait pas.
«Au début de la coopérative, on avait un tableau pour les tâches. Chaque semaine, deux membres devaient s’occuper du ménage et sortir les poubelles. Avec le temps, nous nous sommes rendu compte que ça ne marchait pas. Des gens qui travaillent disaient n’avoir pas le temps de participer», raconte-t-il.
Pour pallier le manque de participation, la coopérative a choisi d’engager un concierge à temps partiel. Pour un montant mensuel de 400 $, elle confie depuis 8 ans l’entretien et la gestion des ordures à un sous-traitant. Le résultat plait au président. «La coopérative est devenue propre, il n’y a plus de saleté sur les étages et les poubelles sont ramassées», assure-t-il.
Mohamed Monadel est convaincu que la solution adoptée convenait à la problématique vécue. «Ça fait une vingtaine d’années que je reste ici. Tu ne peux pas donner cette tâche aux 5 ou 6 qui veulent la faire et laisser les autres ne rien faire.»
En dégageant les membres de ces tâches, il estime avoir pu redynamiser les autres aspects de la gestion d’une coopérative, dont le travail des comités. Il admet toutefois que, pour l’essentiel, la bonne marche de la coop et l’entretien du bâtiment reposent sur les épaules d’une poignée de membres sur les 23 qu’elle compte.
«Comme ailleurs, le niveau de participation ici est variable. Il y a des gens qui ont laissé tomber et qui ne participent plus. On essaye toujours d’aller chercher ces membres, mais sans vouloir faire de chicane. Il faut sympathiser avec eux, ne pas crier», dit-il.
Pour stimuler la participation, la coopérative mise notamment sur les enfants. «C’est parfois par l’intermédiaire des enfants qui participent aux corvées que nous réussissons à faire participer les parents», explique Mohamed Bonadel.
Maintenir la pression
Coop Intergénérationnelle Lavalloise - Immeuble Meunier
L’harmonie règne dans l’immeuble Meunier (44 logements) de la Coopérative Intergénérationnelle Lavalloise (104 logements sur deux sites), boulevard des Laurentides à Laval, selon deux de ses doyennes. Pour autant, tout ne va pas bien dans la coop intergénérationnelle et multiculturelle.
L’engagement des membres fait défaut. «Ça ne fonctionne pas bien, parce qu’ils se cachent. Ils veulent leur rabais de membre, mais quand ils sont capables de ne rien faire, ils ne font rien», tranche Lise Forest, ancienne responsable du comité de gestion de l’immeuble.
Refusant de généraliser, Claire Lachance, présidente fondatrice, admet toutefois «qu’une partie des membres sont réfractaires à exécuter les tâches qui leur sont assignées. Comme ailleurs à ce que j’ai pu vérifier, il y a des gens qui profitent du système ici», déplore-t-elle.
Les tâches ménagères sont au cœur du problème. «Pour les planchers, pour les lavages de corridor, pour sortir les bacs de récupération, il faut frapper aux portes», raconte Lise Forest.
Malgré ces problèmes, les deux coopérantes ne sont pas favorables à l’engagement d’un concierge. « Nous n’avons pas les moyens d’avoir un concierge », assure Claire Lachance. «Nous avons un rabais membre de 300 $ par mois. C’est ce qui fait que nous n’avons pas de concierge», dit-elle.
Opposées à l’idée de sous-traiter l’ensemble des tâches ménagères, les deux femmes ont tout de même piloté l’octroi de deux mandats à des ressources externes au cours des dernières années. «Nous avons commencé à demander de l’argent aux locataires pour laver les bacs de vidanges et de récupération parce qu’ils ne voulaient pas les laver. Le prix a été fixé à 10 $ par locataire et tout le monde a collaboré», explique Lise Forest. La coopérative a eu recours à la même méthode avec le même succès pour le nettoyage du garage.
Pour le reste, les deux coopérantes soutiennent qu’il faut garder le cap sur l’approche mise de l’avant et refuser tout compromis sur le respect des règlements et des tâches. En parallèle, la coopérative tente toutefois de faire une meilleure pédagogie de l’engagement coopératif. «Nous avons commencé à faire un meilleur accompagnement des nouveaux membres. On va les voir et on leur explique le fonctionnement de la coop, même s’ils l’ont déjà entendu. Ça aide un peu à l’intégration», conclut Claire Lachance.
En faire plus pour payer moins
Coop Le Prolétaire
Jusqu’en 2008, la question de la participation n’était pas un enjeu à la Coopérative Le Prolétaire au cœur de l’arrondissement Montréal-Nord. Un gérant-concierge assurait la gestion et l’entretien ménager des aires communes de l’immeuble de 33 logements.
Les membres étaient peu consultés et le mode de gestion avait un coût qui plombait de plus en plus les finances de la coopérative. La coop Le Prolétaire a donc mis un terme au contrat avec son gestionnaire et confié de plus grandes responsabilités à ses membres.
La FECHIMM a pris le relais du gérant pour la tenue de livres et le soutien à la gestion, en appui au CA. Un comité d’entretien a aussi été formé, mais les résultats obtenus n’étaient pas à la hauteur des besoins, selon Sylvain Brisebois, membre de la coop devenu depuis président. «C’était le free-for-all… On peinturait parce qu’on avait de la peinture. On ne s’intéressait pas aux choses importantes comme l’inspection», dit-il.
C’est alors qu’il a proposé la mise en place d’un comité de gestion de l’immeuble pour assurer l’entretien de la coop. Son projet et son approche méthodique ont été retenus par le conseil d’administration. Le changement de culture au sein de la coopérative s’est plutôt bien opéré.
L’argument du rabais de membre a fonctionné. La plupart des membres qui n’avaient pas l’habitude de s’impliquer ont accepté de faire leur part. «La consultation des membres sur leurs préférences quant aux tâches a été bénéfique», explique Sylvain Brisebois.
Le choix a aussi permis de réaliser d’importantes économies. Le président cite en exemple la réfection d’un logement qui n’a coûté que 1600 $ à la coopérative alors qu’il en aurait coûté 17 000$ selon la soumission reçue d’un professionnel. Les habiletés que lui et d’autres au sein de la coopérative possèdent ont permis de réaliser 90 % des tâches requises pour l’entretien de l’immeuble à l’interne. «Seuls les gros travaux nécessitant une expertise particulière sont confiés à l’externe», dit son président.
Si la participation des membres aux tâches fonctionne plutôt bien sauf exception, Sylvain Brisebois estime qu’il reste encore du travail à faire pour convaincre une majorité de membres de s’intéresser à la gestion de la coopérative.
«Pour les tâches, notre structure fonctionne, mais pour la gestion, c’est une autre histoire. La mentalité prédominante ici, c’est que toutes ces questions relèvent du CA. Tout ce qui compte, c’est l’augmentation de loyer», soutient Sylvain Brisebois pour qui plusieurs membres demeurent à la coopérative pour les bas prix des loyers et non parce qu’ils adhèrent véritablement au modèle coopératif. Il voit dans cette réalité un autre chantier à mener.
Tout le monde à table
Coop Nos Rêves
Bien peu de coopératives peuvent se vanter d’avoir leurs entrées au bureau du premier ministre du Canada. La Coopérative Nos Rêves dans le quartier Parc Extension a réussi cet exploit en étant reçue par son député fédéral, Justin Trudeau. Son succès témoigne des convictions et de l’engagement de ses membres, mais aussi d’un mode de gestion qui donne une voix à tous et toutes.
L’entretien ménager des aires communes ne passionne pas les membres de la Coopérative Nos Rêves, petite coop de 12 logements dans le quartier Parc-Extension. «Pas du tout», répond sans hésiter la présidente de la coop, Mélanie Baril.
Le droit au logement et le privilège d’habiter dans une coopérative sont des thèmes qui motivent beaucoup plus les cinq membres réunis pour l’entrevue sur la participation. «On est dans une société de droit où les gens sont souvent dans le moi, mais on a aussi des responsabilités. J’ai le privilège de vivre dans une coop, j’ai la responsabilité, avec mes semblables, de faire fonctionner ce patrimoine commun», dit Marie-Andrée Trudeau. Sarita Ahooja, jeune mère de trois enfants renchérit. «Je crois à ce droit collectif, j’ai ce privilège de jouir de la coop, je voudrais que tout le monde l’ait»
Cette perception de la vie en coopérative et des engagements qui l’accompagnent n’est pas une exception, assure la présidente, Mélanie Baril. «Ici, au moins 50 à 60 % des membres sont très motivés et travaillent vraiment. Il n’y a pas de mauvaise foi et même les membres qui en font le moins participent à une dizaine d’assemblées par année.»
Cela n’empêche que la répartition des tâches cause certains problèmes, ajoute-t-elle. «On n’est pas coercitifs ici, mais ça reste une source de tension le fait que la division du travail ne soit pas parfaitement équitable». Gabriel Boisclair en convient, «il y a des conflits autour de la participation», mais le processus engagé par la coop pour y faire face l’encourage. «Ce qui est le fun, c’est que la grande majorité des gens embarquent dans le processus, il y a des questions, des réflexions…», précise-t-il.
Pour Perig Gouanvic, le mode de gestion adopté par la coop n’est pas étranger à son succès. «Depuis qu’on se gère en assemblée des membres, nous avons réussi à concrétiser ce qu’on avait déjà : on se considère tous comme des amis et on a réussi à mieux se connaitre et se comprendre.» Mélanie Baril est tout aussi convaincue. «Malgré certaines oppositions idéologiques très fortes entre certains membres, on arrive à travailler ensemble parce que nous sommes tous réunis autour de la table», dit-elle.
Le mode de sélection des nouveaux membres y est peut-être aussi pour quelque chose dans la bonne marche de la coop. «En sélection, on n’a jamais choisi en fonction d’un profil qui nous manquerait, on a toujours choisi en se disant : cette personne semble avoir la motivation pour être formée. Pour moi, ça change tout. Car si les besoins changent demain, elle peut s’adapter», soutient Mélanie Baril.
Même si tout n’est pas rose, la présidente et les autres membres rencontrés font preuve d’un enthousiasme contagieux et d’un engagement citoyen qu’envieraient bien des coopératives.
En matière de participation, la vigilance demeure tout de même de mise, croit Mélanie Baril, car, dit-elle, «dans l’organisation du travail, les dérapages sont faciles, le risque que certains se retrouvent à en faire plus et que d’autres se dédouanent de leurs responsabilités est toujours présent.»
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