Mieux vivre ensemble à tous les âges

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La FHCQ était l’hôtesse, le 25 février dernier, d’un panel d’experts sur le phénomène du vieillissement. L’activité d’information et d’échanges, tenue dans le cadre du projet Les ainé.e.s transmetteurs de connaissances, a permis aux participant.e.s d’approfondir leur compréhension des enjeux et des stratégies à mettre en place pour contrer l’âgisme et les préjugés associés à cette forme de discrimination.


L’âgisme

Marie-Claude Lafleur, LL. M.
Consultante en gestion, affaires publiques et droit de la santé
Doctorante en gérontologie

Collaboratrice de la FHCQ dans la démarche du projet Les ainé.e.s transmetteurs de connaissances, Marie-Claude Lafleur a abordé l’enjeu central de l’âgisme. Sa présentation visait notamment à déconstruire certains mythes et stéréotypes liés à l’âge et au vieillissement afin de réduire les injustices et les préjudices qui en découlent.

D’entrée de jeu, la conférencière a avoué son biais et son conflit d’intérêt bien personnel. « Quand on est une femme qui, dans la cinquantaine, décide de retourner aux études pour faire un doctorat en gérontologie et qu'on se met à lire sur les ainé.e.s, sur le vieillissement, sur la retraite, qu'on a une maîtrise en droit et qu'on a revendiqué des droits et des intérêts depuis 20 ans pour des causes, c'est un sujet qui vient nous tirailler », dit-elle.

Cela dit, Marie-Claude Lafleur a aussi rappelé aux membres des coopératives que l’âgisme ne vise pas seulement les ainé.e.s. Évoquant des souvenirs d’enfance, elle se rappelle s’être sentie discriminée. « Quand, dans le temps des Fêtes, on faisait la table des enfants, puis on me faisait asseoir à cette table-là, on me discriminait sur la base de mon âge. L'âgisme, c'est ça. Quand ma fille est entrée sur le marché du travail et que, comme jeune professionnelle, elle se faisait discréditer à cause de son âge, j'ai pris conscience que l'âgisme, ce n'est pas qu'une question de personnes âgées, c'est une discrimination basée sur l'âge tout court ».

L’âgisme, nous apprend la doctorante, est répandu et pas seulement dans notre société. Selon une vaste étude réalisée dans les années 2010 dans 57 pays, une personne sur deux a une attitude âgiste envers les ainé.e.s.

« L'âgisme, c'est quelque chose qui se subit et que l'on fait subir du jeune âge jusqu'à la fin de la vie. Et c'est quelque chose qui se construit insidieusement, ça commence très jeune, ce sont les images que l'on voit, ce sont les mots que l'on entend, ce sont les femmes qu'on voit disparaître de la télé…

Cette forme de discrimination qui exacerbe toutes les autres injustices et les autres préjugés a des conséquences démontrées sur la santé physique, la santé mentale et le bien-être social de la personne, explique la conférencière. Ça crée beaucoup d'isolement social, de la violence, de l'abus. C'est ce qui cause les décès précoces. Mais ce qu’il est important de retenir, c'est que c'est une violation des droits et des libertés de la personne. »

Comment lutter contre l’âgisme ? Tout comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Marie-Claude Lafleur prône le dialogue sur l’âge et une approche intergénérationnelle.

« Il faut vraiment y aller d'une façon plus intergénérationnelle pour éviter les tensions et permettre de vraiment sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge à la longévité. Une longévité qu’on devrait célébrer, parce que ce sont les progrès de la société qui font qu'on vit vieux aujourd'hui. On devrait être contents et reconnaissants et fiers de vivre vieux, et ce, dès le plus jeune âge ».

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Milieu de vie intergénérationnel

Martin Calvé
Agent de liaison et de formation, Intergénérations Québec

Intergénérations Québec est un réseau d’action de solidarité qui regroupe des individus, des organismes et des institutions du Québec œuvrant pour le rapprochement entre les générations pour le développement d’une société ouverte, inclusive et solidaire.

Pour Martin Calvé, agent de liaison et de formation au sein de l’organisation, le fossé entre les générations est bien réel et n’a rien de nouveau, mais un point commun devrait nous unir : « Tout le monde vieillit, puis tout le monde a été jeune. C'est le fil conducteur pour recréer de la solidarité et mettre en œuvre des initiatives favorisant les rapprochements entre générations ».

Les bénéfices sont clairement démontrés. « Des études récentes sont unanimes sur le fait que, à plusieurs égards, il y a de gros enjeux, de grandes retombées et des bienfaits à mettre ensemble différentes générations. Il y a aussi des apprentissages au niveau des savoirs, du savoir-faire si on parle de métiers ou du savoir-être qui est plus subtil », dit-il.

Pour créer ou recréer la solidarité nécessaire à la réussite des relations intergénérationnelles, Martin Calvé invite à privilégier le savoir-être même si ses retombées sont plus lentes à se manifester.

« Un bon point de départ pour reconstruire cette solidarité-là dans les milieux de vie comme les vôtres, c’est de créer des contextes favorables [aux échanges] en priorisant la relation sur la demande. En commençant par « qui es-tu » plutôt que « qu'as-tu à me donner », il y a de meilleures chances d’implanter un terreau fertile pour se solidariser davantage. »

Dans l’approche développée par Intergénérations Québec, la notion de réciprocité entre les générations est aussi primordiale. « Ce qu’on promeut, c’est vraiment que, de part et d'autre, il y ait des bénéfices, des bienfaits et des retombées. L’ouverture est importante, sinon on se retrouve dans une relation à sens unique, on entre dans « moi, je transmets et toi tu écoutes », et ça ne fonctionne pas. »

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Pour que vieillir soit gai

Julien Rougerie
Chargé de programmes, Fondation Émergence

On estime que 10 % des personnes ainées sont LGBTQ+. Elles restent cependant largement invisibles. Pour la majorité de ces personnes qui ont été contraintes de se cacher pour éviter la prison, les thérapies, le rejet par leur famille et la société tout entière, la crainte de divulguer leur homosexualité ou leur transidentité demeure.

Ces rejets et ces préjugés, qui persistent malgré l’évolution de la société, ont laissé des traces, et plusieurs études confirment que les personnes ainées LGBTQ+ constituent une population particulièrement vulnérable. Nombre d’entre elles appréhendent le vieillissement, craignant de se retrouver isolées au sein d’un environnement peu accueillant face à leur différence.

« Ce qui ressort des études sur les personnes âgées LGBT, c'est qu'elles sont beaucoup plus isolées socialement que la moyenne, qu’elles ont notamment moins de liens avec leur famille, souvent moins d'enfants, souvent moins de conjoint ou de conjointe, puisqu’elles ont vécu à une époque où ce n'était pas possible de former un couple. Et tout ça a un impact sur leur participation sociale et donc sur leur santé, explique Julien Rougerie », chargé du programme d’information et de sensibilisation Pour que vieillir soit gai.

« Le sujet qui nous anime à la Fondation Émergence, c'est la diversité sous un angle plus spécifique. Aujourd’hui, on a parlé des personnes ainées comme si c'était une population monolithique, alors qu’elles sont tout aussi diversifiées que toutes les autres populations. Il y a toutes les religions, toutes les couleurs de peau, toutes les sensibilités politiques. Et il y a aussi les minorités sexuelles et de genre, donc les personnes gaies, lesbiennes, bi et trans et toutes les autres minorités sexuelles et de genres. »

Le représentant de la Fondation Émergence, qui œuvre principalement auprès de centres d’hébergement, se désole de voir des membres de la communauté retourner dans le placard.

« Au Canada, en tant que personnes LGBTQ+, ce sont nos ainé.e.s qui se sont battus, qui ont pris des risques pour obtenir ces droits-là. Et aujourd'hui, ces personnes se retrouvent dans des milieux d'hébergement où, pour une bonne partie d'entre elles, elles se réfugient à nouveau dans le placard et retournent dans un déni de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. »

Cette réalité milite en faveur de la poursuite du travail réalisé par la Fondation Émergence qui s’engage depuis plus de 10 ans à rendre les milieux ainés plus inclusifs.

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Échanges entre membres et panélistes

Après les présentations des trois panélistes, les membres des coopératives ont pu poser leurs questions, partager leurs expériences dans le cadre d'un échange libre avec les experts invités.

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Tiré de l'article publié dans le magazine CITÉCOOP - Volume 10, numéro 19 | Printemps 2023