Par Louise Constantin, collaboratrice
Alors que la Fédération célèbre ses 40 ans, elle souhaite souligner un partenariat qui s’étend sur presque la même durée avec la Fondation Abri international fondée il y a 38 ans. Grâce à celui-ci, la FHCQ et les coopératives ont pu mettre en pratique le sixième principe de l’intercoopération en établissant des collaborations avec des organismes engagés pour le droit au logement dans l’hémisphère sud, principalement en Afrique. Qui dit collaborations dit aussi partages d’expériences, apprentissages et avantages mutuels.
Un peu d’histoire
Au début des années 1980, un organisme, la Co-operative Union of Canada (CUC), qui regroupe les différents secteurs coopératifs au Canada, a un programme de développement international. Mais le logement n’en fait pas encore partie, bien que l’organisme ait eu des liens avec la National Co-operative Housing Union (NACHU) du Kenya.
Grâce à un partenariat avec la CUC et à l’appui de la Fédération de l’habitation coopérative du Canada (FHCC), Rooftops Canada Foundation est alors mis sur pied à Toronto. Les membres du premier conseil d’administration étaient alors tous liés à la FHCC qui continue aujourd’hui de soutenir financièrement la Fondation en lui versant 3 % des cotisations reçues de ses membres (dont la FHCQ).
L’année 1987 ayant été déclarée « Année internationale du logement des sans-abris » par l’ONU, Rooftops obtient un financement plus généreux. C’est à cette occasion que des membres de coops du Québec mettent sur pied un comité local de coopération internationale et amènent Rooftops à devenir une organisation bilingue et à adopter son appellation française de Fondation Abri international. Il en résulte des initiatives pour établir des collaborations avec des pays francophones, tels que Haïti, le Sénégal et le Cameroun, qui ne perdureront pas pour diverses raisons.
C’est avec NACHU que la Fédération établit une collaboration soutenue allant jusqu’à donner lieu à un jumelage entre les deux organisations. Le numéro du printemps 2020 du CITECOOP rappelle les moments marquants de cette collaboration, dont l’accueil de représentant.e.s de NACHU au Québec, mais aussi des visites effectuées au Kenya par des membres du mouvement coopératif du Québec. Surtout, avec d’autres bailleurs de fonds, la Fédération contribue financièrement, à trois reprises, à plusieurs projets de NACHU par des prêts qui lui rapportent des intérêts. Une formule gagnant-gagnant donc.
Cela étant, le mouvement coopératif en habitation d’ici bénéficie d’autres façons du travail d’Abri international.
La lutte à l’apartheid
Depuis sa fondation, Abri international a mis en œuvre un grand nombre d’initiatives en faveur du droit au logement. On ne peut pas oublier non plus son engagement en Afrique du Sud à la chute de l’apartheid. Abri a ainsi collaboré avec le nouveau gouvernement pour mettre en place un véritable programme de logement social afin de loger convenablement les familles de la population noire qui subissait une discrimination éhontée en matière d’habitation (et dans plusieurs autres domaines). Le pays a en outre adopté des lois afin de protéger les locataires, notamment contre les évictions, ce que nos propres gouvernements semblent incapables de faire.
Les droits des femmes
Un autre domaine où les coopératives d’ici pourront se reconnaître dans le travail d’Abri et pourront même y trouver une source d’inspiration, c’est dans la promotion du leadership des femmes et de la prévention de la violence.
Dans plusieurs pays, les lois et les politiques reconnaissent aux femmes le droit à la propriété, à la terre, à l’héritage; mais en pratique, elles continuent de se heurter à différentes formes de discrimination. Au fil du temps, les programmes d’Abri ont toujours porté attention à leurs intérêts, mettant en pratique l’analyse différenciée selon les sexes.
En 2022, Abri international a mis en œuvre l’un de ses plus ambitieux programmes. En partenariat avec des organismes africains très expérimentés et engagés, le programme Espaces pour les femmes : Mise en œuvre de l'égalité d'accès à la terre, au logement et aux moyens de subsistance s'attaque aux attitudes et aux pratiques bien ancrées associées à la terre et au logement qui sont au cœur de la pauvreté, de l'exclusion et de l'insécurité des femmes. Il aidera ainsi des milliers de femmes africaines, dans quatre pays, à obtenir l’égalité des droits pour l’utilisation et le contrôle de la terre, du logement et des ressources connexes.
Par exemple, en Ouganda, le programme contribuera à former des agent.e.s parajuridiques qui, à leur tour, offriront des ateliers aux femmes des communautés, mais aussi aux hommes. Les femmes pourront ainsi mieux subvenir aux besoins de leur famille et répondre à des défis comme la violence sexiste, la COVID et d’autres urgences sanitaires, le changement climatique et les bouleversements politiques. Elles seront également plus libres d'utiliser leurs maisons et les espaces qui les entourent pour des activités génératrices de revenus, en particulier la production alimentaire.
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Perspectives
Dans un monde globalisé et aux prises avec la transition climatique, il serait sans doute pertinent de renforcer nos liens avec nos partenaires du Sud et de profiter mutuellement de nos pratiques d’excellence et de nos stratégies afin de protéger les populations les plus vulnérables des effets du dérèglement climatique. Notons que l’un des prêts faits par la Fédération à NACHU visait à assurer l’approvisionnement en eau de 415 logements coopératifs.
Le programme Espaces pour les femmes, qui en est à sa deuxième année, donne déjà des résultats encourageants. Il pourrait ainsi être étendu à d’autres pays, y compris des pays francophones.
Barry Pinsky
La présente chronique a été réalisée grâce à une entrevue avec Barry Pinsky, fondateur et directeur général sortant d’Abri international. Barry fait partie de ces pionniers qui ont façonné le logement communautaire chez nous et à l’échelle internationale. Son engagement pour le droit au logement lui vaut, en 2017, la Médaille du service méritoire remise par la Gouverneure générale.
Diplômé en architecture de l’Université McGill, il participe au Community Design Workshop, une initiative lancée par le professeur Joe Baker pour permettre aux étudiant.e.s de s’impliquer dans les quartiers populaires de Montréal et de soutenir les locataires dans leurs luttes pour améliorer leurs conditions de logement. C’est ainsi qu’il prend part à la création à Pointe-Saint-Charles, en 1971, de la toute première coopérative d’habitation autogérée du Québec, Loge-Peuple (aujourd’hui dissoute).
Résidant du quartier Milton Parc, il se retrouve également engagé dans la lutte pour empêcher la démolition du secteur et transformer plutôt les immeubles résidentiels en coopératives et en OSBL. Après avoir obtenu une maîtrise en urbanisme et effectué un séjour de coopération au Mozambique, il est engagé pour travailler à la planification du réaménagement du quartier Milton Parc.
Puis il part à Toronto où il œuvrera au GRT Homestarts et à la Fédération des coopératives d’habitation de Toronto, contribuant ainsi au développement de plusieurs projets de coopératives, avant de devenir le premier directeur général de Rooftops lors de la création de l’organisme, poste qu’il occupera jusqu’à son récent départ à la retraite.
Tiré de l'article publié dans le magazine CITÉCOOP - Volume 10, numéro 19 | Printemps 2023