Déclaration de principes pour éliminer et prévenir les violences faites aux femmes dans les coopératives d’habitation

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La déclaration a été adoptée par les membres lors de l'AGA 2018.


Lecture de la déclaration à l'AGA 2018


Texte de la Déclaration

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L’objectif principal de cette Déclaration de principes est que la Fédération des coopératives d’habitation intermunicipale du Montréal métropolitain (FECHIMM) prenne position contre les violences faites aux femmes. Par ce positionnement, elle vise à ce que les coopératives d’habitation soient réellement des milieux de vie sécuritaires pour toutes et tous, exemptes de harcèlement, d’intimidation, de violences sexuelles et conjugales.

Plusieurs témoignages permettent de relever des exemples concrets de situations de violence vécues par des femmes dans les coopératives d’habitation : s’immiscer dans la vie d’une femme en l’épiant, la traquer, la dégrader, l’humilier, la manipuler, la menacer, la harceler, l’agresser, l’intimider, la dénigrer, l’exclure, frapper à sa porte et lui mettre de la pression indue, l’accoster dans les espaces communs (ex. : cour, salle de lavage).

Verbale, physique, psychologique, sexuelle ou économique, la violence prend différentes formes, parfois jumelées les unes aux autres. Elle constitue un exercice abusif de pouvoir par lequel un individu en position de force cherche à contrôler une autre personne en utilisant différents moyens pour la maintenir dans un état d'infériorité ou l’obliger à adopter des comportements conformes à ses propres désirs. La violence envers les femmes est l’une des formes de violation les plus systématiques et les plus répandues des droits humains, ancrées dans les structures sociales sexistes .

Par ailleurs, comme le soulignent les Centres d’aide et de luttes contre les agressions à caractère sexuel (CALACS), il importe de tenir compte des abus de pouvoir commis spécifiquement contre les femmes à statut économique précaire, telles que les femmes aînées, racisées, autochtones, lesbiennes, trans, les femmes vivant avec un handicap et celles aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Le terme « survivante » sera utilisé dans cette Déclaration, plutôt que le terme « victime ». Nous reconnaissons ainsi la force et l’incroyable courage requis pour traverser l’expérience de la violence. De plus est incluse dans le terme femme toute personne s’identifiant comme femme.

  • Considérant que la Charte des droits et libertés de la personne reconnaît que la demeure est inviolable, que toute personne a droit à la sécurité et à l’intégrité, au respect de sa vie privée et à la jouissance paisible, que nul ne doit harceler ou discriminer une personne en raison de son origine, son sexe, son identité ou expression de genre, son orientation sexuelle, son état civil, son âge, ses convictions politiques ou religieuses, sa langue, son origine ethnique, sa condition sociale, son état physique ou mental (Articles 1,4, 5, 6, 7, 10 et 10.1) ;

  • Considérant que notre Déclaration s’inscrit dans les mouvements de dénonciation des violences sexuelles ciblant majoritairement les femmes tels que : #AgressionNonDénoncée, #MoiAussi, #EtMaintenant, les dénonciations des violences sexuelles sur les campus, la lutte en soutien aux femmes autochtones disparues et assassinées ;

  • Considérant que ces violences s’inscrivent dans des rapports de force historiquement inégaux entre les hommes et les femmes, dans la culture du viol et dans le continuum des violences faites aux femmes ;

  • Considérant que 1 femme sur 3 a été victime d’au moins une agression sexuelle au cours de sa vie ;

  • Considérant que les ⅔ des agressions sexuelles sont commises dans la sphère privée, qu’elles sont souvent invisibles, cachées et commises sans témoin, derrière des portes closes ;

  • Considérant que les agresseurs ciblent particulièrement les femmes isolées, pauvres, à statut précaire, les femmes trans, racisées, autochtones, monoparentales ou vivant avec un handicap ;

  • Considérant que les coopératives d’habitation sont des lieux où existent des relations inégalitaires entre les membres locataires et ceux à qui on délègue certains pouvoirs, comme par exemple les responsables d’attribution des subventions au loyer et les personnes qui ont en main les clés de tous les logements ;

  • Considérant que ce sont majoritairement des femmes qui habitent dans les coopératives d’habitation (⅔ des membres) , que plusieurs femmes seules font le choix de vivre en coop parce qu’elles les perçoivent comme des milieux de vie sécuritaires, et que, paradoxalement, plusieurs d’entre elles ont affirmé subir des violences justement parce qu’elles sont des femmes ;

  • Considérant que de nombreux témoignages de femmes ont démontré que, dans les coopératives d’habitation, ce sont les survivantes de violences qui sont contraintes de s'exclure et même de quitter leur logement pour fuir l’agresseur ;

  • Considérant que les impacts de ces violences nuisent à la pleine implication des survivantes dans les coopératives et à leur pouvoir d’agir sur leur milieu de vie ;

  • Considérant qu’agresser ou harceler une femme n’est pas une pulsion incontrôlable ni une perte de contrôle : c’est une prise de pouvoir et un choix délibéré, parce que chacun est en mesure de garder ses opinions pour lui-même, de contrôler ses envies et de gérer ses comportements ;

  • Considérant que les intérêts individuels de l’agresseur doivent cesser d’être mis au-dessus du bien-être collectif de la coopérative. Que le droit au logement d’un agresseur ne devrait jamais compromettre l’intégrité d’une survivante d’agression sexuelle ;

  • Considérant de nombreux témoignages, force est de constater que la loi du silence perdure dans les coopératives d’habitation car, sous la menace de représailles et parce qu’on leur met de la pression en les accusant de créer des tensions dans le milieu de vie, les survivantes se taisent, et lorsqu’elles parlent, des membres nient leur vécu ou les ignorent, ce qui contribue à les isoler et les force à endurer l'inacceptable ;

  • Considérant que la première étape pour combattre les violences commises contre les femmes est de croire la parole de celles qui les ont vécues ;

  • Considérant qu’à l’heure actuelle, les survivantes de violences se buttent à un système policier et judiciaire qui ne leur rend pas justice, parce que le fardeau de la preuve repose entièrement sur leurs épaules et qu’il peut remettre en cause leur parole, protégeant ainsi les agresseurs plutôt que celles qu’ils ont agressées ;

  • Considérant que les valeurs et les principes fondateurs du mouvement coopératif tels que l’égalité, l’équité et la solidarité devraient conduire les membres à condamner toute forme de violence faite aux femmes et à encourager la libération de la parole des survivantes ;

  • Considérant que le fait de préserver le droit des femmes à vivre dans un milieu sans violence est une responsabilité collective, qui doit être assumée par l’ensemble des membres des coopératives d’habitation ;

  • Considérant que, ayant bénéficié du travail de celles et ceux qui ont mis sur pied le réseau des coopératives, nous avons à notre tour la responsabilité de léguer des milieux sécuritaires aux générations futures

  • Considérant que la FECHIMM a signé la Déclaration contre les violences vécues par les femmes dans le logement, par laquelle elle s’est engagée à inviter ses membres à inclure, dans leurs régies internes, la reconnaissance des violences spécifiques que subissent les femmes locataires, et à mettre en place des mécanismes permettant de prévenir et combattre ces violences ;

  • Considérant que la FECHIMM, avec le projet Présence des femmes, pouvoir des femmes, vise à soutenir la pleine participation des femmes dans les coopératives et à lever les barrières systémiques vécues par celles-ci, telles que la violence ;

Parce que nous reconnaissons ces états de fait, nous nous engageons à prendre position contre toutes les formes de violences faites aux femmes, plus spécifiquement celles commises dans le logement et pour que toutes les femmes, quelles que soient leurs conditions, aient accès à une vie digne et paisible, exempte de toute forme de violence, la FECHIMM s’engage, en adoptant cette Déclaration, à:

  1. Prendre position et lutter contre toutes les formes de violences faites aux femmes, plus spécifiquement celles vécues dans le logement (harcèlement, intimidation, violences sexuelles, conjugales, etc.), assurer le maintien en logement des survivantes et être un leader dans la lutte pour transformer la Loi sur les coopératives afin qu’elle soit plus juste envers les survivantes ;

  2. S'outiller pour soutenir les survivantes, par exemple en dédiant une travailleuse formée en intervention féministe au dossier des violences faites aux femmes dans les coopératives, pour les documenter, accompagner les survivantes, créer des liens avec des ressources d’aide, etc.

  3. Former son personnel à l’analyse et à l’approche féministes en matière de violences faites aux femmes, et s’assurer que celles-ci soient appliquées dans leurs interventions réalisées auprès des coopératives d’habitation.

En adhérant à cette Déclaration, la FECHIMM invite ses membres à la soumettre dans leurs assemblées générales et à s’engager à :

  1. Offrir un milieu de vie sécuritaire à toutes les femmes, c’est-à-dire exempt de toute forme de violence à leur égard (harcèlement, intimidation, violences sexuelles, conjugales, etc.) et assurer des rapports égalitaires dans les instances de délibération et de décision ;

  2. Favoriser des rapports égalitaires dans les coopératives, exempts de discrimination directe, indirecte ou systémique à l’endroit de toutes les femmes, notamment dans les instances décisionnelles, et soutenir la pleine participation de celles-ci aux processus de réflexion et de décision.

  3. Que dans le contrat de membre et dans la Régie interne soit ajoutée la disposition suivante : Toute attestation de harcèlement ou de violence, qu’elle soit sexuelle, physique, verbale ou psychologique, notamment à l’égard des femmes, est interdite dans l’immeuble et fera l’objet de sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension.

  4. Prendre position et lutter contre toutes les formes de violences faites aux femmes, plus spécifiquement celles vécues dans le logement (harcèlement, intimidation, violences sexuelles, conjugales, etc.) et assurer le maintien en logement des survivantes.


ANNEXE 1. Quelques définitions

Définition de la violence faite aux femmes selon l’Organisation des nations unies (ONU)

La violence commise contre les femmes est l’une des formes de violation les plus systématiques et les plus répandues des droits humains. Elle est ancrée dans des structures sociales sexistes plutôt que dans des actes individuels et isolés ; elle touche toutes les femmes, indépendamment de leur âge, orientation sexuelle, statut socio-économique, niveau d’éducation ou origine.

Définition de l’agression sexuelle d’après les CALACS

Agresser sexuellement une personne consiste à lui imposer des attitudes, des paroles ou des gestes à connotation sexuelle. L’agression sexuelle est un acte criminel commis en utilisant l’intimidation, la menace, le chantage et la violence verbale, physique ou psychologique. Les femmes, les adolescentes et les enfants sont les principales cibles des agressions sexuelles, qui prennent plusieurs formes, notamment : le viol, les attouchements, l’inceste, le harcèlement, l’exhibitionnisme, le voyeurisme, les appels obscènes, etc. Les agressions sexuelles entraînent des séquelles sévères sur l’intégrité physique, le bien-être psychologique et la sécurité économique. Les survivantes vivent de la honte, de la culpabilité, du stress post-traumatique et de l’isolement.


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