Une nouvelle ère pour l’habitation coop?

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Article publié dans l'édition d'automne 2022 du magazine CITÉCOOP - Volume 9, no 17

Une solution du milieu à Rosemère

La crise du logement frappe fort et elle n’épargne aucune communauté. À Rosemère, une ville de la Couronne Nord de Montréal pourtant réputée nantie, le manque de logements se fait douloureusement sentir.

Pour nombre de retraité.e.s, de familles monoparentales, de personnes seules et de ménages de la classe moyenne, le loyer à Rosemère coûte simplement trop cher, et les logements libres sont extrêmement rares. Quitter leur communauté devient alors la seule option.

Pour s’attaquer au problème, des citoyennes et citoyens ont choisi de miser sur l’habitation coopérative. Leur projet intergénérationnel vise la réalisation de 35 logements. La Croisée des générations deviendrait ainsi la première coopérative d’habitation à voir le jour dans la municipalité.

Bien des défis attendent le groupe porteur. L’acquisition d’un terrain en est un majeur. Le financement du projet l’est aussi dans le contexte d’incertitude autour des programmes gouvernementaux, mais la Ville se montre ouverte à collaborer à un projet qui va dans le sens de ses politiques familiales et des orientations de la MRC Thérèse-de-Blainville.

S’agit-il du début d’une nouvelle ère qui verra les coopératives se répandre dans les banlieues où les besoins explosent avec le vieillissement de la population? Chose sûre, les femmes et les hommes derrière le projet sont acquis aux valeurs de solidarité et d’entraide qui caractérisent le mouvement de l’habitation coopérative.


La pauvreté ne saute pas aux yeux à Rosemère. Pourtant, derrière le décor champêtre, les arbres majestueux, elle est là, invisible, mais bien réelle.

Il n’y a pas juste des maisons à un million à Rosemère, il y a quand même de petites maisons, d’anciens chalets. On retrouve toutes les catégories. J'ai vu la misère, des gens très, très pauvres ici , raconte Hélène Bergevin, membre du groupe porteur du projet et courtière immobilière.

Hélène Bergevin

Véronique Pierre, membre du comité de démarrage de la coop, parle d’un phénomène qui s’amplifie et qui touche maintenant la classe moyenne.

Une psychologue du CLSC me disait récemment que, depuis un an environ, elle reçoit beaucoup de demandes d’aide alimentaire de la part de familles à revenu moyen. On ne parle plus seulement de Sainte-Thérèse, mais aussi de Fontainebleau et de Rosemère.

Véronique Pierre

Les ainé.e.s sont parmi les principales victimes du manque de logements dans la ville. Au moment de vendre leur résidence, nombre d’entre eux se demandent où ils pourront aller vivre.

Avec un total de 18 logements en RPA à Rosemère, l’offre est très loin de suffire à la demande, et le problème ne fera qu’empirer avec l’accentuation du vieillissement de la population. Plus du tiers des résident.e.s de la ville ont plus de 55 ans.

Les femmes font aussi souvent les frais de la situation. Dans le cas de divorces qui entrainent une vente de maison, ce sont souvent les femmes qui doivent quitter le milieu, car leur revenu ne leur permet pas de se reloger dans la ville , explique Hélène Bergevin.

Sylvia Doucet

Sylvia Doucet est l’une de ces personnes qui espèrent bénéficier d’un logement à la coopérative. J'ai très bien gagné ma vie. J'étais designer florale et horticultrice. Je n’ai jamais manqué de travail, mais je suis devenue invalide.

Quand je cherche un logement, je trouve seulement des trous à des prix que je n'ai pas les moyens de payer. C'est une ville magnifique, c'est une nécessité d'ouvrir une coopérative d’habitation ici , dit-elle.

Lise Forest, mère d’une fille autiste et handicapée de 25 ans, aspire aussi à vivre à la coopérative. Les autres options pour se loger la forceraient à placer sa fille dans un logement supervisé.

Lise Forest

Je pourrais aller vivre dans une résidence pour 55 ans et plus, mais pas elle. Dans la coopérative, j’espère lui offrir une stabilité dans un milieu où elle pourra continuer de vivre quand je partirai, car elle est capable de collaborer , dit-elle.

Bien des étapes restent à franchir avant que le projet se concrétise. Au moment de notre visite au début septembre, le groupe soutenu par le GRT Réseau 2000+ préparait son assemblée d’organisation et poursuivait ses démarches pour trouver un terrain propice à la réalisation du projet.

L’incertitude quant à l’avenir du programme AccèsLogis et les limites du PHAQ, le nouveau programme lancé par Québec, ne font rien pour aider le groupe, mais l’ouverture manifestée par la Ville, un acteur incontournable pour la réalisation du projet, est de bon augure.

Le gros défi, c’est le terrain. La Ville est très ouverte, les discussions sont entamées , affirme Véronique Pierre.

Le projet devrait bénéficier de l’appui de la communauté, croit-elle, notant qu’il va dans le sens de la nouvelle politique familiale adoptée par la Ville en 2021 en bonifiant et en maintenant un milieu de vie de qualité pour les familles et les ainé.e.s.

C’est donc une histoire à suivre, mais la détermination du groupe et l’expertise qu’il concentre sont de nature à favoriser son succès. Le rêve, lui, est bien vivant, et le projet porte des valeurs humanistes dont notre société a grand besoin.


Le projet

Coopérative d’habitation La croisée des générations

  • 35 logements
  • 2/3 des logements réservés aux personnes de 55 ans et plus
  • 1/3 réservés aux autres clientèles cibles (familles et personnes seules avec ou sans handicap)
  • programme de supplément au loyer (PSL) pour 50 % des locataires
  • salle communautaire